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REPERTOIRE - June 2002
La pianiste lituanienne Mûza Rubackyté interprète
ces sonates de Scarlatti d'une manière plutôt originale :
tout son récital baigne dans une atmosphère de douceur
rêveuse, feutrée, élégiaque, vaporeuse
presque. Elle s'oppose à l'usage d'en faire au piano des
exercices de virtuosité, par un jeu crépitant aux traits
acérés et aux contrastes dynamiques marqués,
tradition brillamment illustrée par Vladimir Horowitz (Sony),
Anne Queffélec (Erato) ou Christian Zacharias (EMI).
Bien sûr, on peut préférer ce type d'approche, qui
procure éblouisse-ment et jouissance par la digitalité
ostentatoire, alors que le jeu de Mûza Rubackité semble en
comparaison manquer un peu de précision dans l'articulation et
de différenciation des épisodes. L'acoustique assez
réverbérée du lieu d'enregistrement n'est
peut-être pas étrangère à cette impression.
Mais l'ensemble sonne de manière tellement agréable et
harmonieuse qu'on se laisse prendre et charmer. Même dans les
sonates plutôt agitées, comme la K. 6, la pianiste
parvient à conserver un jeu d'une parfaite douceur. On sera
parfois surpris par des tempos inhabituellement modérés,
comme celui de la Sonate K. 159, qu'on a l'habitude d'entendre beaucoup
plus nerveuse, mais son chant plaintif s'impose.
Néanmoins, Mûza Rubackité libère aussi
lorsqu'il le faut l'énergie nécessaire pour rendre les
effets de trompette et de guitare flamenco de la Sonate K. 96. A
l'opposé, elle n'hésite pas à étirer
l'Andante de la Sonate K. 69, qui échange son caractère
inquiet pour une mélancolie obsédante évoquant le
flux indéfiniment répété des vagues. Dans
l'ensemble, il s'agit là d'un disque très plaisant, aux
interprétations originales et d'une musicalité charmeuse.
Philippe van den Bosch