MÛZA RUBACKYTE
pianist



CONCERT-CLASSIC
Berlioz et Liszt aux Invalides - Dec 2008

Dans le cadre de sa saison musicale, « à l'occasion de la présidence française du Conseil de l'Union européenne » et sous l'égide de CulturesFrance, le Musée de l'Armée accueillait le 4 décembre la pianiste Mûza Rubackyté, native de Lituanie, pour célébrer cette République balte : Vilnius sera capitale européenne de la culture en 2009 – la première des nouveaux États membres.

La musicienne était accompagnée de l'excellent Orchestre de la Garde Républicaine en formation symphonique. Sous la direction aussi élégamment sobre qu'efficacement articulée – acoustique oblige – de Sébastien Billard, le programme s'ouvrit sur un Carnaval romain de Berlioz d'une franche et généreuse énergie, dans l'équilibre. Au cœur du concert figuraient les deux (!) Concertos de Liszt, gageure d'autant plus superbement relevée par Mûza Rubackyté que le piano dans une église de vastes dimensions représente un redoutable défi. Sur un grand Fazioli puissamment charpenté, Mûza Rubackyté imposa d'emblée un dialogue à forces égales (et l'on sait combien l'orchestre de Liszt, contrairement à celui de Chopin, sous-entend une lutte musclée) ancré dans un clavier souverainement virtuose (formidables traits d'octaves martelées en mains parallèles) et musical. Mettant poétiquement à profit les moindres instants d'esprit chambriste (avec les vents dans le Premier, un admirable solo de violoncelle dans le Second), la musicienne réussit à faire chanter et sonner l'instrument (articulation vive et cristalline de l'Allegretto vivace du Premier ponctué par le triangle) autant que le permet une réverbération générale davantage portée à exalter les sections de type Grandioso, au demeurant fréquentes dans l'orchestre de Liszt, ainsi que le poème symphonique Les Préludes, qui refermait le programme, en donna une retentissante démonstration. Sachant que la voûte décuple l'impact des cuivres et percussions et que la Garde Républicaine a l'habitude de se produire dans l'Église des Soldats, on aurait tout naturellement imaginé que le chef briderait quelque peu la puissance dynamique, pour ainsi dire trop facile, de certaines interventions des trombones, notamment, afin de ne pas durcir l'équilibre entre clavier et orchestre : la soliste serait sortie de ce combat, il est vrai foncièrement romantique, encore plus sereinement victorieuse, ce qui n'est pas peu dire à l'écoute de Mûza Rubackyté.

Michel Roubinet

Cathédrale Saint-Louis-des-Invalides, 4 décembre 2008