MÛZA RUBACKYTE
pianist



CLASSICA - June 2002
Mûza Rubackyté interprète ce beau programme Scarlatti de manière variée et convaincante. Il est de coutume de jouer Scarlatti de manière très fine, à la française, avec une technique de doigts. Le plus souvent, la musique reste donc dans un mouchoir de poche. La pianiste lithuanienne ne déroge pas à la règle, et offre un piano magnifique: le toucher est léger, égal, souvent perlé; le jeu est transparent, varié mais direct, et évite tous les stéréotypes et systèmes. En outre, quoique discrètement, la main gauche passionne, tantôt fondue dans la droite, tantôt plus autonome, présente sans être écrasante, y compris lorsque les basses reposent sur toutes leurs rondeurs. Son jeu n'est pas irréprochable: la pianiste se montre parfois un peu trop nerveuse dans certaines pièces, abordées avec un rien de précipitation, voire un peu gênée par les redoutables ornements qui fleurissent la musique (K6 par exemple). On regrette parfois que les plans sonores ne soient pas davantage différenciés, écartés, que le soleil nous soit trop caché par l'ombrelle de la pédale, ou, au contraire, que l'articulation soit un rien trop sèche. Mais on ne s'ennuie jamais. Plus que sur la variété dynamique, Mûza Rubackyté rend la musique entraînante par une énergie rythmique qui la fait pétiller, crépiter, ainsi que par une science habile de la liberté rythmique. Les pièces lentes ou mélancoliques sont jouées avec une totale simplicité. Et la musique demeure le plus souvent habitée de cette grâce, mélancolique ou joyeuse, qui irradie les Sonates de Scarlatti. S'il ne nous fait pas oublier Zacharias (EMI), voici assurément un beau disque.
Stéphan Vincent-Lancrin